Être altruiste, c’est bon pour la santé des gènes

En analysant l’effet des émotions sur l’expression des gènes, des chercheurs américains ont fait une découverte étonnante : la démarche suivie pour atteindre le bonheur influence notre génome. Les sentiments altruistes encouragent l’expression de gènes favorables à la santé, alors que les émotions égoïstes font l’inverse.

Comment peut-on être heureux ? Selon l’auteure française Louise de Vilmorin, le bonheur serait avant tout une disposition de l’esprit. Certaines personnes sont en effet épanouies grâce aux petits plaisirs simples de la vie, alors que d’autres sont éternellement insatisfaites.

Deux voies principales permettraient de développer le bien-être. La première, l’hédonisme, consiste à cultiver les émotions et les attitudes positives afin de se sentir bien dans sa peau. La seconde, l’eudémonisme, est pour sa part plutôt fondée sur la recherche du bonheur chez l’autre, comme c’est le cas pour les personnes qui effectuent du bénévolat ou des missions humanitaires. Dans les deux situations, les individus développent un sentiment de satisfaction qui participe à leur épanouissement personnel.

Le bonheur est une émotion qui va pourtant bien plus loin que le simple aspect psychologique. Au XVIIIe siècle, Voltaire avait affirmé qu’être heureux était bon pour la santé. Plusieurs études ont depuis montré qu’il avait vu juste, et que le bonheur influence différents paramètres physiologiques comme l’activité cardiaque, la durée de la vie et la défense face aux infections. Cependant, les mécanismes impliqués dans cette connexion restent pour le moment obscurs. Une équipe de l’université de Californie à Los Angeles vient éclaircir une part de ce mystère. Leurs résultats, publiés dans la revue Pnas, montrent que le fait et la manière d’être heureux conditionnent l’expression des gènes et le fonctionnement des cellules.

Le bonheur est bénéfique pour l’organisme… à condition d’être généreux

Des travaux précédents ont montré que les sentiments négatifs comme la peur ou le désarroi modifiaient l’expression des gènes dans les cellules immunitaires. Le profil génétique qui en résulte, appelé « profil transcriptionnel face à l’adversité » (conserved transcriptional response to adversity, CTRA), est caractérisé par une augmentation de l’expression des gènes impliqués dans la réponse inflammatoire et une diminution pour ceux jouant un rôle dans la réponse antivirale.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont pris un angle différent et ont analysé l’effet d’émotions positives sur le profil CTRA. Pour cela, ils ont recruté 80 adultes, considérés comme heureux eudémoniques « altruistes » ou hédonismes « égoïstes », et ont analysé l’expression génomique de leurs cellules immunitaires. Leurs résultats sont assez surprenants, puisque les narcissiques et les généreux ont des profils CTRA opposés. En effet, contrairement aux émotions négatives, le bonheur charitable induit une baisse de l’expression des gènes de l’inflammation et une hausse de celle des gènes antiviraux. En revanche, les heureux centrés sur eux-mêmes présentent un profil CTRA similaire à celui provoqué par des sentiments
noirs.

« Les deux types de personnes sont sur le même plan émotionnel,mais leurs profils d’expression génétique sont différents, explique Steven Cole, le directeur de l’équipe de recherche. Le génome humain serait donc plus sensible à la manière dont nous atteignons le bonheur que notre cerveau lui-même. »

Futura-Sciences