Le passage de l'état de l'anxiété paralysante à l'état d'être bien dans sa peau et en goût de vivre
Nous sommes tous menacés par le non-être : la mort, l’isolement, les maladies, les rejets, les pertes de considération et toutes les souffrances et les misères qui réduisent notre vitalité. Afin de nous protéger de ces dangers qui menacent notre existence ou qui peuvent détruire les valeurs que nous identifions comme notre existence même, nous ressentons de l’anxiété . L’anxiété est donc l’expérience vivante de s’affirmer soi-même contre le néant à savoir contre ce qui peut réduire ou détruire l’être par la violence, l’insignifiance, la fatigue, l’ennui et ultimement la mort. Nous souffrons tous à des degrés variables de l’anxiété. Comme toute émotion humaine, l’anxiété est donc radicalement positive si elle demeure à l’intérieur de ses limites qui sont de protéger notre existence comme individu, de soutenir notre identité, de nous rendre vigilant sur ce qui nous menace.
Négocier les contingences de notre mort, intégrer les souffrances de l’isolement qui accompagnent le développement de toute individualité, rencontrer les conséquences de notre liberté, la fragilité de notre corporéité et nous pacifier avec ces données de notre existence suscitent des occasions d’anxiété. Cette anxiété bien normale ne peut pas être évitée sinon au prix de devenir apathique, amorphe et d’éteindre ainsi toutes nos sensibilités et notre imagination. C’est l’Angst der Kreatur, l’angoisse de la créature. Nous devons la rencontrer et la prendre courageusement avec nous tout en tentant de lui laisser ses authentiques limites, sans plus. Retenons que l’anxiété par sa nature même est notre meilleur professeur pour vivre. Chaque fois qu’une nouvelle possibilité émerge, l’anxiété y sera aussi et la personne pourra devenir un peu plus ce qu’elle est.
En termes techniques, l’anxiété est l’émotion de l’identité, l’émotion reliée à l’identité. Elle est existentielle ou névrotique, appropriée ou exagérée. Lorsqu’elle est existentielle, l’anxiété est appropriée à notre condition humaine; si elle est névrotique, elle est exagérée et ses frontières dépassent le soin raisonnable pour la bonne conduite de notre vie. Ainsi dédramatiser l’anxiété, c’est réaliser que tous nous sommes anxieux, que tous nous ressentons l’anxiété à cause de la négociation que nous devons faire de nos données existentielles (finitude, solitude, liberté, culpabilité, corporéité). L’anxiété est aussi cette appréhension polyvalente qui engendre tous les symptômes de fuite des autres, d’isolement et des autres misères de notre vie tout autant qu’elle suscite le développement de l’amour, de la liberté, du désir et de bien d’autres caractéristiques de notre humanité. La personne humaine est la seule créature consciente de son être et consciente aussi qu’à tout moment, elle peut le perdre.
La personne est toujours aux prises avec l’anxiété soit d’aller vers le devant en devenant de plus en plus un individu, soit de reculer, de régresser et de perdre son individualité . L’homme primitif a profité de son anxiété devant les animaux et les événements destructeurs pour développer son intelligence, sa capacité de penser et son habilité à utiliser des symboles et à créer des outils, des armes pour étendre sa protection. De là son anxiété pour lui fut créatrice.
Aujourd’hui la pire menace qui suscite notre anxiété est celle de l’insignifiance. Nous sommes tous anxieux à un niveau ou l’autre de devenir des insignifiants, des « niaiseux ». Nous sommes des proies à de graves dommages à l’estime de soi, surtout par l’ostracisme des groupes d’appartenance. De là les sources contemporaines de notre anxiété sont bien spécifiques : la peur de « perdre » dans le climat de la compétition omniprésente que nous vivons les uns avec les autres, la crainte de ne pas être voulu (estimé, aimé) par les autres et par conséquent, d’être isolé ou exclus de la communauté. Ce sont de grandes occasions d’anxiété que chacun particularise à sa façon : dans ses amours, dans son travail, dans ses relations avec les autres et de bien d’autres manières.
Par exemple un des besoins humains les plus pressants et les plus vifs est celui d’être enraciné dans un foyer (une maison) et dans une vocation (une mission à faire, à être) et d’être membre d’une communauté. Imaginer alors l’anxiété suscitée par la menace à ceux-ci : une crainte de l’isolement destructeur, une peur de l’absence de repères pour la conduite de notre vie.
« La santé mentale n’est pas de vivre sans anxiété. » Espérer pouvoir vivre sans anxiété surtout de nos jours de remises en question, de quête de sens et même de danger de terrorisme est illogique et absurde. C’est une mauvaise interprétation de la réalité. La plus grande conscience contemporaine de nos identités est aussi source d’anxiété. Plus que jamais nous avons à nous individualiser et nous sommes vraiment seul pour le faire. Personne ne peut nous remplacer pour devenir ce que nous sommes comme individu. Toutes ces situations sont anxiogènes. Nos prises de position sont prégnantes pour la suite de notre vie et en même temps, sources d’anxiété.
Si nous ne pouvons pas éliminer toute anxiété, nous pouvons toutefois la réduire à un niveau acceptable et ensuite s’en servir pour élargir chacun sa conscience et sa vigilance, pour chacun aussi se donner du goût de vivre et chercher à être bien dans sa peau. L’anxiété est comme la fièvre du corps; elle indique qu’il y a un conflit en quelque part en nous qui demande à être résolu ou au moins atténué et que la bataille pour être et devenir ce que l’on est continue. Si le combat cesse et l’organisme se défait, alors l’anxiété disparaît mais la personne s’est perdue en quelque part, l’identité s’est évaporée.
L’anxiété est donc nourrissante de la condition humaine du zest de vivre. Rollo May (1977) raconte : « Je me souviens que je ressentais toujours de l’anxiété avant de donner une conférence devant certains types d’auditoire même si je connaissais parfaitement mon sujet. Fatigué d’endurer cette anxiété (ce trac), par force de volonté, je me suis conditionné à confronter et faire disparaître cette anxiété. Je suis vraiment devenu moins anxieux et même relaxe mais mon discours est devenu malheureusement monotone et ennuyant. Il manquait la tension, le sens du défi, le zest du cheval de course à la clôture au départ. » L’anxiété normale (à l’intérieur de ses limites) s’exprime aussi par ces tensions, par un sens du défi et un zest de continuer à vivre. Toute fièvre est bienvenue si elle nous fait réaliser la fragilité de notre organisme et si elle nous engage à nous donner la meilleure santé possible. De la même façon toute anxiété qui peut se transformer en zest de vivre est bienvenue.
La recherche d’une conversion en zest de vivre de l’anxiété n’est pas qu’une qualité bien souhaitable mais elle fait partie des responsabilités de tous ceux qui sont conscients de leur vitalité et de leur soin pour les autres.
Mettre de l’ordre entre tous ces différents concepts et représentations de l’anxiété et du goût de vivre, faciliter le passage de celle-là à celui-ci constitue l’objectif de notre travail.
L’ordre permet à la vie de continuer parce qu’en faisant de l’ordre nous nous débarrassons de l’inutile qui entrave notre démarche. Mettre un peu plus la lumière de l’ordre sur le phénomène de l’anxiété permet à la personne de continuer à vivre, de vivre mieux et de vivre bien dans sa peau.
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Bonjour,
Très intéressant . J’ai lu beaucoup pendant des années en matière de psycho et vous expliquez la « nécessité » de l’anxiété … ce me semble . L’angoisse devrait-elle, par voie de conséquence, être considérée comme névrotique ?
J’ai 2 autres blogs :
http://xian.over-blog.org (sur l’anorexie)
http://oksana.over-blog.net (sur le viol) … ceci expliquant cela ou plutôt vice-versa .
Respectueusement vôtre …
Liza Peninon
une journée pleine de couleur
c’est en tout cas,ce que je
vous souhaite
super votre post
Bon article. Intéressant de lire à propos de cet effet paralysant.