Réussir sa vie

– J’aimerais réussir ma vie mais, en réalité, j’abandonne tout ce que j’entame et j’angoisse tellement de faire du sur place… Mais c’est tellement ancré en moi, cette idée de réussir un couple, une carrière, ou même d’avoir un enfant, puis qu’il réussisse à son tour, etc.

– C’est une belle prise de conscience que tu énonces là mais encore faut-il comprendre sur quelles blessures, sur quels évènements enfouis, se construisent ces valeurs illusoires, qui ne t’appartiennent pas car nous naissons sans elles, avec, peut-être,pour seule inclination, le jeu, l’amour, et l’émerveillement que procure le fait d’être présent, ici, et maintenant.

– Je sais tout cela, mais je ne crois pas en avoir vraiment pris conscience…

– Oui, la différence entre le savoir et la conscience est du même ordre que celle qui sépare le tourisme, du voyage. Cela nécessite de placer la quête du Soi, et la valeur de l’expérience directe, au-dessus de l’expérience partielle et distanciée qu’incarnent notre éducation, les religions ou les idéologies, qui transportent toutes les préoccupations d’autres humains que toi.

Crois-tu réellement, au fond, qu’il y a quelque part où aller, où arriver, où être ? Qu’il y ait quoi que ce soit à accomplir dans cette vie, ou à réussir ?

Retiens ceci : Il n’y a rien à prouver, rien à accomplir ici. Même respirer n’est pas obligatoire, ni même vivre. Sauf que le choix de respirer consciemment et d’être présent, en pleine conscience, au-delà des gesticulations de notre mental, que nous pouvons aussi appeler ego, confère à cette existence une profondeur insoupçonnée dans laquelle s’évanouit le poids du passé et l’angoisse du lendemain.

S’opère alors un changement de perspective total qui crée un espace inconnu dans lequel on peut se foutre la paix à soi-même et, enfin, se re-créer.

Stephan Schillinger
Par un Curieux Hasard